Extraits : « Nous ne savons pas assez que les objets sont la mémoire de nos vies. »

« C’est ce que je veux. M’engager. Je veux être avec toutes les femmes. Je veux être de cet inarrêtable mouvement. De cette vie qui pulse. Je veux être vivante. »

Mon avis : Je ne pensais pas que ce livre allait autant me bouleverser. C’est l’histoire d’une femme nommée Louise, qui vient de perdre son beau-père, Charles. Louise est désormais orpheline, puisqu’elle a perdu sa mère quand elle était encore enfant et n’a jamais connu son père biologique. Elle est prise d’une incommensurable tristesse, ressassant sans cesse des souvenirs de sa vie de famille. Installée depuis peu à Paris pour ses études, elle se rapproche du milieu féministe et s’engage pour des valeurs qui lui tiennent à coeur, notamment le droit à l’avortement.

J’ai beaucoup aimé cette héroïne. Elle est complexe à déchiffrer, extrêmement mystérieuse, elle intériorise beaucoup de choses, notamment ses sentiments. Elle apparaît fragile, perdue, comme errant parfois, ne sachant que faire, quoi penser, où aller. C’est assez déstabilisant. Puis progressivement, elle semble s’endurcir pour devenir une femme, femme forte, courageuse, déterminée dans ses combats. La progression est lente, mais elle est certaine. J’ai été touchée par cette femme, qui se découvre au fil des pages, qui s’ouvre aux autres et au monde et s’émancipe. 

Louise va notamment renouer des liens avec sa grand-mère, une femme très riche, avec qui elle ne parlait que très peu avant. Elle va également s’ouvrir aux autres, à ces deux colocataires, particulièrement à l’une d’entre elles, Claire. Claire est médecin, féministe, elle se bat pour les autres et pour les femmes, les aidant à avorter clandestinement. Instantanément, sans aucune explication rationnelle, Louise va s’attacher fortement à Claire, l’épauler et l’aider, que ce soit dans sa vie professionnelle comme personnelle. C’est un coup de coeur immédiat, réciproque, puissant, émouvant.

La thématique abordée l’a été maintes fois dans des romans, mais à mon humble avis, elle ne l’est toutefois jamais assez. Il s’agit du droit à l’avortement, pour lequel Louise se bat. Nous sommes ici dans les années 1970, le droit à l’avortement est encore au coeur des débats féministes. En France, Simone Veil dépénalise l’interruption volontaire de grossesse (IVG) en 1974 en faisant adopter la très célèbre « loi Veil ». Mais ce n’est qu’en 2024 qu’elle entre dans la constitution française. Ce droit participe directement aux droits des femmes et principalement à leur émancipation, à leur liberté et à l’égalité entre les deux sexes. L’auteure explique clairement ici comment se battent les féministes, pour qui et pour quelles causes. C’est juste, c’est instructif et c’est touchant de voir autant de femmes se mobiliser pour d’autres femmes.

Au-delà de ces combats féministes, Pascale Dewambrechies écrit sur le deuil et l’amour. Le chemin du deuil est parfois long, Louise en fait les frais. Elle a du mal à se séparer de l’image de Charles, de sa maison, de tous leurs souvenirs communs. On ressent avec force tout l’amour prodigué par Charles durant son enfance, puis son adolescence. Elle a vécue et à grandie sans manquer de rien et déborde maintenant d’amour à donner.  

L’écriture est fluide, sensible, poétique. L’auteure arrive à se montrer parfois détachée dans la manière de narrer et de présenter ses personnages, tantôt elle nous attrape et nous prend aux tripes, si bien qu’il est difficile de rester dénué d’émotions. J’ai ressenti un pincement particulier au coeur durant les dernières pages. Sans vous raconter quoique ce soit pour éviter de vous gâcher cette surprise, sachez que les larmes seront proches et votre coeur bien serré.  

Un roman féministe et engagé sur une femme qui mène des combats personnels contre le deuil, pour elle-même et pour toutes les femmes. Une histoire sensible et pudique, qui m’a vraiment touchée.

Ana LIRE | Blogueuse littéraire depuis 2012

Un grand merci à Anais Landry pour cette belle chronique que vous pourrez retrouver sur son site internet :ICI